La garde à vue de Txetx (Enbata 13/02/2007)
Arrêtés mercredi à 6h du matin à leurs domiciles, Jean- Noël Etcheverry et le
militant occitan Jacou Morio ont été relâchés sans charge vendredi soir après
avoir été entendus par la juge antiterroriste Houyvet. Enbata a recueilli le sentiment
de Txetx à sa sortie du commissariat de Bayonne
ENBATA: Quelle a été l'attitude de la juge antiterroriste Houyvet qui vous a interrogé lors de votre troisième journée de garde-à-vue?
Txetx: L'attitude de la juge antiterroriste n'était absolument pas l'attitude d'un juge qui cherchait la manifestation de la vérité. Elle n'essayait pas d'écouter toutes les contradictions que je pointais dans les déclarations d'Arricau, mais elle tentait absolument de corroborer ces déclarations. Je lui ai souligné ce que son attitude avait de surprenant, car en l'occurrence c'était Arricau qui était impliqué dans le dossier d'ETA et je n'y étais nullement mêlé. Je lui ai aligné argument après argument pour démontrer que les déclarations d'Arricau ne tenaient pas la route. Le plus étonnant dans cette affaire, c'est que la base centrale de l'accusation qui m'était adressée, c'est qu'Arricau dit que j'animais des réunions de Gazteriak auxquelles il participait sur Ustaritz, Bayonne et Cambo dans les années 96 et 97 et qu'à la fin de ces réunions je lui confiais des clandestins d'ETA, avec de hautes fonctions politiques dans l'organisation, pour qu'il les emmène en Béarn, à Monein et à d'autres endroits. J'ai souligné que des centaines de personnes, y compris la police elle-même, pouvaient témoigner qu'à partir des municipales de 95, j'avais cessé de militer à Gazteriak pour des raisons d'âge et que je n'ai jamais mis les pieds depuis lors dans les réunions de ce mouvement. Deuxièmement, j'ai souligné l'incongruité de la présence de dirigeants d'ETA à des réunions du mouvement le plus surveillé d'Iparralde: c'était la période des cocktails Molotov contre les voitures de police et des dizaines de militants de Gazteriak avaient été arrêtés dans le cadre de ces enquêtes et leurs locaux perquisitionnés. Troisièmement, je lui ai dit que si j'avais fait deux ans de réunions avec cette personne, je me souviendrais de lui, alors que je n'ai qu'un vague souvenir de son visage comme bénévole au festival EHZ.
Je savais très bien que ces réunions n'avaient jamais eu lieu. Je lui ai demandé dans quels locaux avaient eu lieu ces réunions et ces rendez-vous où on lui confiait des dirigeants d'ETA. La juge n'a absolument pas su quoi me répondre. Je lui ai alors exprimé mon étonnement de ce que les policiers qui avaient interrogé Arricau aient oublié de lui demander dans quels locaux avaient eu lieu ces fameuses réunions. Car, à ma connaissance, à Bayonne il y a des locaux abertzale, à Ustaritz également il y avait un local Gazteriak, mais à Cambo il n'y a jamais eu de local abertzale pour des réunions de Gazteriak à l'époque. La question ne lui a apparemment même pas été posée. A la suite de cet interrogatoire de la juge, Jacou Morio et moi-même avons entamé une grève de la faim et de la soif que nous avons tenue durant la troisième journée de garde à vue. Le plus aberrant de cette histoire, c'est que je suis relâché libre sans charge aucune et que malgré tout, on me saisit mon ordinateur personnel et mon téléphone mobile avec plus de 200 numéros de téléphone professionnels et associatifs dont ils n'ont même pas voulu donner une copie alors qu'ils les avaient imprimés. On voit bien là une intention délibérée de saboter le travail public que la Fondation MRA mène.
Enbata: Pour vous
c'est là la véritable raison de votre arrestation?
Txetx: Je n'arrive pas à
m'expliquer les déclarations d'Arricau qui datent d'il y a quatre ans. Les
auraient-il faites par mythomanie ou pour protéger un autre scénario, ou est-ce
que ce sont les flics qui les lui ont dictées? C'est pour cette raison que j'ai
demandé une confrontation avec Arricau. Je voudrais avoir le cœur net. Est-on
en train d'essayer de me descendre, moi et d'autres militants, pour nous
incarcérer en fabriquant de toutes pièces des griefs contre nous? Je voudrais
vraiment savoir de quoi il retourne. D'autre part, pourquoi ne m'a-ton pas
arrêté à la même époque que Jean-François Lefort, puisque ce sont les mêmes
éléments qui me sont reprochés et pourquoi m'arrête-t-on trois ou quatre ans
après ?
Ma première réflexion porte sur ce contexte des arrestations des militantsd'ELB et de la tentative de criminalisation de ce qui se passe autour d'ELB et de Laborantza Ganbara. Il y a des échéances importantes ce mois de février à Laborantza Ganbara. En fait il n'y rien de judiciaire là-dedans, mais l'instrumentalisation d'un dossier artificiellement monté pour criminaliser au travers de certaines personnes des mouvements qu'on veut abattre.
Il y a aujourd'hui une stratégie de la tension claire et évidente. Les déclarations de Sarkozy à Pau en sont le signe le plus manifeste. Mon arrestation et celle de Jacou, et, à puissance cent, l'illégalisation des mouvements de la gauche abertzale, l'incarcération de dizaines de militants et responsables, l'utilisation systématique de la torture, montrent qu'il y a une volonté des Etats de nous enfermer dans la voie de la violence. Je comprends très bien que les militants abertzale soient indignés, révoltés et qu'ils soient tentés par cette voie-là. Mais, plus que jamais, je veux insister sur ce point: c'est un piège dans lequel on veut nous enfermer, mais nous ne devons absolument pas y tomber. Cette année sera le dixième anniversaire de Lizarra-Garazi. Il y a dix ans, avec Lizarra-Garazi, le combat souverainiste Sud et Nord avait une stratégie gagnante. Depuis lors nous n'avons aligné que des stratégies perdantes. L'urgence c'est de retourner à la stratégie gagnante d'un processus souverainiste civil telle que nous l’avons connue pendant Lizarra-Garazi.