Le numérique face au vivant : vigilance !

2021/10/07
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Le numérique n’est pas porteur que d’avantages. Loin des discours technophobes, nous souhaitons remettre le numérique à sa place, celle d’un outil technique, ni plus ni moins, avec ses avantages et ses inconvénients. En Iparralde, l’association Bizi milite depuis 2009 pour la défense du climat et la justice sociale. Elle a créé en 2021 un groupe dédié à cette thématique, dont la feuille de route vise à dénoncer les travers du numérique, sensibiliser les citoyen.ne.s, interpeller les acteurs du territoire et proposer des alternatives pour réduire les effets néfastes du numérique.

(Francisco Ordas, membre de l'organisation Bizi!, signataire du manifeste Euskal Herria Digitala. Publié sur El Salto.

Après l’euphorie de la numérisation pour tous et de ses bienfaits annoncés, le doute s’installe et on découvre progressivement des facettes du numérique, pas si bénéfiques que ça pour l’humain et la planète...

L’explosion des technologies de l’internet, le déploiement des réseaux et l’envahissement des smartphones ont fortement contribué à numériser la plupart des tâches et activités qui régissent nos vies privées et professionnelles. Porté par le courant du solutionnisme technologique, le numérique a dévoilé, dans un premier temps, ses apports positifs, par l’automatisation, l’optimisation de processus ou la facilitation d’accès et de partage de l’information.

Pour autant, le numérique n’est pas porteur que d’avantages. Loin des discours technophobes, nous souhaitons remettre le numérique à sa place, celle d’un outil technique, ni plus ni moins, avec ses avantages et ses inconvénients, comme l’écrivait le philosophe Bernard Stiegler : “Une technologie est un pharmakon : ce terme grec désigne ce qui est à la fois poison et remède. Le pharmakon technologique est porteur de promesses, mais il commence toujours par provoquer mille problèmes, parce qu'il commence par détruire les cadres constitués.”

Le numérique représente environ 4% des émissions de gaz à effet de serre (soit autant que le trafic aérien) et déjà 10% de la consommation électrique mondiale, avec un rythme de croissance d’environ 10% d’ici 2025.

On peut donc en conclure que le numérique est en train de devenir un des contributeurs majeurs au réchauffement climatique et qu’il contribue de manière non négligeable au stress de la planète.

Pourtant, on en parle très peu, probablement du fait que le numérique a ce côté “virtuel”, qui ne semble pas en prise avec les questions d’énergies carbonées et de gaz à effet de serre. Pourtant, le numérique n’est pas immatériel, malgré ce que peut laisser entendre le terme de dématérialisation, bien au contraire… Quand on parle de numérique, l’équipement final de l’utilisateur (smartphone, tablette, ordinateur) masque souvent d’autres équipements indispensables pour la plupart des services et applications sur internet, à savoir les réseaux (filaires, wifi, 4G/5G) et les Datacenters, qui hébergent les serveurs et le stockage permettant aux applications de fonctionner.

La méthode ACV (Analyse du Cycle de Vie) permet de mesurer les impacts environnementaux des trois types d’équipements évoqués ci-dessus, face aux trois temps de la vie d’un produit (conception, utilisation, fin de vie). Le résultat, sans appel, montre que c’est essentiellement la conception et l’utilisation des équipements utilisateurs qui constituent la principale source d’impacts environnementaux, entre 60 et 85% selon les éléments mesurés.

La conception, souvent ignorée dans nos modèles occidentaux puisqu’elle a lieu essentiellement en Asie, est liée à la généralisation du smartphone à travers le monde, et elle impacte fortement l’environnement à travers l’extractivisme qu’elle suppose (métaux rares), la consommation massive d’eau et les pollutions qu’elle engendre.

L’utilisation est fortement liée à la dépendance aux outils numériques et en particulier à l’essor de la vidéo, qui est un support très dense. Pour donner un exemple, les émissions de gaz à effet de serre des services de vidéo à la demande (Netflix, Youtube...) équivalent à celles d’un pays comme le Chili.

Enfin, on ne peut parler de stress de la planète, sans évoquer les risques sur la biodiversité de technologies comme la 5G, déployées sur nos territoires sans attendre les études d'impact sanitaire sur l’ensemble du vivant.

Le numérique ne stresse pas que la planète, il stresse aussi la société dans son ensemble, par les transformations profondes qu’il produit au sein des “cadres constitués”, comme le monde du travail, l’éducation ou l’espace public par exemple.

C’est tout un ensemble de technologies aux possibilités démesurées (Intelligence Artificielle, 5G, objets connectés…) qui s’immiscent sans bruit dans nos sociétés, dessinant un futur, trop bien décrit par de nombreuses dystopies, où l’humain n’est plus au centre du modèle de société.

Pour finir, même l’humain subit un stress direct du numérique, à travers cet équipement qui a envahi votre quotidien : le smartphone. Pourtant, le smartphone rend énormément de services au quotidien, mais c’est aussi l’emblématique "pharmakon". Le smartphone, “voleur de temps”, nous entraîne dans une addiction, largement orchestrée par les plateformes et vendeurs d’équipements, qui perturbe en profondeur notre santé mentale et physique. Si l’on y ajoute la progressive désintégration de nos vies privées, à travers l’usage de nos données, on devine facilement la perte d’autonomie et de libre-arbitre qui semble être le quotidien de l’être humain connecté de demain..

En Iparralde (Pays Basque Nord), l’association Bizi milite depuis 2009 pour la défense du climat et la justice sociale. Elle a créé en 2021 un groupe dédié à cette thématique, dont la feuille de route vise à dénoncer les travers du numérique, sensibiliser les citoyen.ne.s, interpeller les acteurs du territoire et proposer des alternatives pour réduire les effets néfastes du numérique.

Pour plus de précisions : numerique@bizimugi.eu

Sources : https://www.greenit.fr/etude-empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/