Un nouveau mouvement en Iparralde

2020/10/05
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Le texte « Souverainisme et souverainetés » de David Lannes et Nicolas Goñi paru dans le dernier Enbata constitue un vrai apport à la réflexion abertzale actuelle mais également à certains débats agitant l'Hexagone depuis longtemps déjà.

Txetx Etcheverry, membre de la fondation Manu Robles Arangiz. Article publié sur Enbata.

 

Le texte « Souverainisme et souverainetés » de David Lannes et Nicolas Goñi paru dans le dernier Enbata constitue un vrai apport à la réflexion abertzale actuelle mais également à certains débats agitant l'Hexagone depuis longtemps déjà. Il pose un certain nombre de concepts importants à clarifier face à la croisade que lance aujourd'hui Emmanuel Macron contre « le séparatisme », nouvelle version du grand « débat » sur l'identité nationale de Nicolas Sarkozy. David et Nicolas écrivent ainsi que leur vision particulière de la souveraineté «procède également du lien entre habitants d’un même territoire qui souhaitent reprendre en mains les conditions de leurs vies. Souvent, ce lien est une identité collective forte, qui se renouvelle en permanence, et ne se plie pas aux identités monochromes et figées définies d’en haut. Bien souvent, ce qu’on voit proclamé et mis en avant sous le nom d’identité (à base de drapeaux, de chants militaires, d’apéros publics "pinard saucisson" etc.) l’est d’autant plus que l’identité collective est en réalité éteinte. C’est à dire que là où il y a une vie collective à échelle humaine, à laquelle on appartient et à laquelle on apporte sa contribution, cela donne du sens à ce qu’on fait, et de l’enracinement à nos vies. À l’opposé, là où le dynamisme de la vie locale disparaît (souvent par effet combiné de l’exode rural, de l’effondrement d’un tissu économique majeur, de la métropolisation, de l’uniformisation culturelle, etc.) on cherche autre-chose à quoi se rattacher, et souvent cet attachement prend pour objet le dernier signifiant collectif qui reste, à savoir l’état-nation et ses symboles. Et c’est sur ce délabrement du sentiment d’attachement local que l’extrême droite trouve matière à se développer, en montant autour de l’état-nation un discours à base d’ennemis de l’extérieur et d’ennemis de l’intérieur.»

En Iparralde aussi

Les banlieues ou zones rurales et péri-urbaines françaises en voie de désocialisation et de paupérisation ne sont pas les seules concernées par ce défi là. Les mêmes dynamiques sont en cours, ici même, dans ce que l'on appellera pour simplifier les classes populaires d'Iparralde. De plus en plus abandonnées par l’État-Providence en voie de démantèlement, de plus en plus déconnectées des partis, syndicats, associations, elles ne trouvent pas non plus la «porte d'entrée» vers cet Euskal Herria en construction qui pourrait, qui devrait pourtant constituer leur communauté de destin, permettant «une vie collective à échelle humaine, à laquelle on appartient et à laquelle on apporte sa contribution, donnant du sens à ce qu’on fait, et de l’enracinement à nos vies».

L'enjeu est double :

D'une part, ces dynamiques en cours, qui isolent les personnes, les rendent plus vulnérables, moins audibles, créent les tendances actuelles à la résignation, renforcent les sentiments d'insécurité, d'impuissance et de manque de reconnaissance. Elles font le lit de l'abstention, de la «dé-citoyennisation», du désespoir, de l'extrême-droite et des intégrismes de tout poil, de certaines violences gratuites et incivilités empoisonnant encore plus le quotidien de populations déjà fragilisées par la dureté, voire l'inhumanité du capitalisme et du néo-libéralisme.

D'autre part, ces secteurs de la population ne participent pas de ce fait, et à la mesure de ce qu'ils représentent réellement, à la définition et à la construction de cet Euskal Herria souverain, soutenable et solidaire que nous entendons proposer comme alternative au système actuel. Cette déconnexion ne sera pas sans conséquence, négative, sur le contenu du projet que nous construisons collectivement, et sur sa capacité à être vraiment représentatif de notre société actuelle, dans sa globalité et sa diversité. C'est même plus profondément cette «identité collective forte, qui se renouvelle en permanence» qu'est l'identité basque qui est appauvrie par une telle déconnexion.

Un nouveau défi collectif

Ce samedi 10 octobre à Bayonne se tiendra l'assemblée générale fondatrice d'un nouveau mouvement, qui agira avec et au sein des milieux et quartiers populaires du Pays Basque nord, et travaillera à leur organisation collective. Il s’agira de défendre les droits et besoins fondamentaux des citoyen.nes des classes populaires dans leur cadre de vie et environnement quotidien, hors monde du travail, (logement, quartier, accès à l'emploi, transports, écoles, administration, banques et services, consommation, santé, environnement etc.), au sein d’une organisation de masse abertzale s’inscrivant radicalement dans une perspective de justice sociale et écologique.

Utilisant des répertoires d'action et de mobilisation inspirés de ceux du mouvement abertzale, de ceux des mouvements ouvrier ou altermondialiste, et du « community organizing », il visera à changer et améliorer la vie des gens des milieux populaires, et pas seulement au niveau matériel. L'objectif est également de reconquérir une reconnaissance, un respect ; de reconstruire un tissu social, des solidarités actives et un projet culturel populaire, une vraie place dans la vie démocratique locale et globale, ainsi qu'une (re)connexion avec la société basque.

Une partie trop importante des milieux populaires se sent de plus en plus abandonnée par l’État français, tout en ne trouvant pas leur place dans la communauté basque. Ce nouveau mouvement veut permettre cette connexion, servir de porte d'entrée pour ces classes populaires dans notre projet national, ce qui enrichira ce dernier dans une perspective plus progressiste, plus solidaire, plus inclusive, plus représentative des différentes réalités de notre société.