Quelle stratégie gagnante pour la collectivité ?
Quelle stratégie gagnante pour la collectivité territoriale ? Pour répondre à cette question, il nous faut comprendre ce qui cause le blocage total de Paris dans ce dossier. Pourquoi le gouvernement français, qu'il soit aux mains de la droite ou du PS, ne veut pas entendre parler d'une institution pour Iparralde, même à minima sous la forme d'un simple département Pays Basque ? Ce n'est donc pas le problème des compétences, mais bien celle du cadre qui pose problème.
Paris ne veut pas d'un cadre institutionnel pour le Pays Basque Nord pour deux raisons essentielles me semble-t-il: par peur qu'il ne renforce le sentiment d'appartenance au Pays Basque, germe de “séparatisme” et par peur qu'il ne permette de tisser des relations structurantes avec les institutions du Pays Basque sud, germe de “réunification”.
Si là résident bien les clefs du blocage, alors à nous de les faire tourner dans le bon sens pour ouvrir de nouvelles perspectives concernant l'avenir institutionnel d'Iparralde.
La stratégie gagnante se construira dès lors en articulant deux dynamiques complémentaires.
Poursuivre sans relâche la mobilisation sociale pour une institution Pays Basque Nord
Il nous faut poursuivre la mobilisation sociale, impliquant de plus en plus de secteurs de la société civile d'Iparralde dans l'exigence d'une collectivité territoriale spécifique pour le Pays Basque Nord. Nous le voyons en Catalogne, la société civile mobilisée est la seule force capable de surmonter les contradictions internes à chaque parti, de réchauffer les diverses tiédeurs et de dépasser les divisions. Nous mobiliserons la société basque du nord en lui démontrant que sans collectivité territoriale, elle risque de perdre beaucoup (CAF, France 3 Euskal Herri Pays Basque, circonscriptions cantonales basques de l'intérieur...) et qu'elle a par contre tout à y gagner: autorité organisatrice unique permettant de rationnaliser les transports collectifs, politique volontariste et adaptée sur le foncier et le logement, outils indispensables pour la défense d'une agriculture paysanne et durable, et bien évidemment nouvelles initiatives plus audacieuses pour le développement et la promotion de l'usage de l'euskara etc.
Ce travail doit continuer à se faire en recherchant un éventail d'alliances le plus large possible, la pluralité la plus complète possible, afin de permettre à la masse la plus large de la population de s'identifier à ce combat.
Cette mobilisation ininterrompue, ce débat permanent pour l'existence institutionnelle d'Iparralde crée et renforce la conscience Pays Basque dans la tête des gens. Depuis 1995, les votes des maires sur le département Pays Basque, le travail du Conseil de développement et du Conseil des élus, les mobilisations pour le département Pays Basque puis pour la collectivité territoriale ont renforcé l'identité Pays Basque des habitants d'ici.
Dès lors, l'Etat doit mesurer ce qui renforce le plus le sentiment d'appartenance au Pays Basque: la création d'un cadre institutionnel, ou son refus de le concéder et la mobilisation ininterrompue qu'elle provoque, sans parler de la frustration qu'elle crée forcément.
Développer en Iparralde une référence institutionnelle nationale basque
Il nous faut dans les mois et quelques années qui viennent arriver à ancrer dans le paysage d'Iparralde une institution correspondant au Zazpiak Bat, à l'image de l'Udalbiltza qui était née en 1999 pendant la période Lizarra-Garazi, en parallèle du bouillonnement pour un département Pays Basque.
Une telle institution nationale basque devrait réaliser —au delà d'une présence symbolique— un vrai travail concret dans les domaines les plus divers: mise en place de Conseillers en énergie partagée pour les communes et les communautés de communes, organisation de séminaires et de voyages d'étude pour explorer les pratiques territoriales les plus innovantes et intéressantes, bureau d'aiguillage pour les dossiers de financement, du niveau local au niveau européen, initiatives instaurant des réseaux entre secteurs d'activité socio-économiques du Nord et du Sud, ou développant le cyclo-tourisme ou le woofing sur les sept provinces, promotion de démarches zazpiak bat dans le domaine du sport, de la fête ou de l'alimentation, développement d'un internet basque etc. L'idéal serait qu'elle ait au moins un siège concret et bien tangible —à l'instar d'Euskal Herriko Laborantza Ganbara— en Iparralde.
Si le mépris opposé à la revendication majoritaire, plurielle, pacifique et démocratique d'une collectivité territoriale pour Iparralde poussait les gens d'ici à intégrer peu à peu comme référence institutionnelle un Udalbiltza travaillant concrètement sur les sept provinces, cela commencerait enfin à faire réfléchir Paris.
Si demain, par manque d'une institution spécifique à Iparralde, des élus, notamment des élus non abertzale, et des responsables socioéconomiques se mettaient à rechercher certains accompagnements nécessaires du côté d'une institution nationale basque, alors là, oui, les signaux rouges s'allumeraient pour de bon du côté de Paris.
Si demain, par manque d'une institution spécifique à Iparralde, des élus, notamment des élus non abertzale, et des responsables socioéconomiques se mettaient à rechercher certains accompagnements nécessaires du côté d'une institution nationale basque, alors là, oui, les signaux rouges s'allumeraient pour de bon du côté de Paris.
Après avoir férocement combattu les ikastola pendant les premières années, l'Etat a fini non seulement par les reconnaître mais par créer des filières d'enseignement bilingüe dans l'éducation nationale, afin de limiter la progression de Seaska. Dans la même logique, il serait alors tenté de créer enfin une collectivité territoriale Iparralde pour freiner le développement de l'institution Zazpiak Bat en Pays Basque nord.