Coup de txapela aux pionniers

2015/05/28
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Periko Légasse - Le succès croissant et constant des candidats abertzale aux élections territoriales depuis une dizaine d’années conduisent régulièrement les observateurs à remonter jusqu’aux prémices du mouvement patriotique en Euskadi Nord pour décrypter l’évolution de la sociologie électorale basque. Je constate que ces retours au passé s’arrêtent généralement aux années 1960, notamment à cet Aberri Eguna d’Itsasu de 1963 (où je me trouvais, tenant la main de mon père et dont je me souviens avec fierté), que l’on considère, à juste titre, comme l’instant fondateur de l’abertzalisme en Iparralde.

Le succès croissant et constant des candidats abertzale aux élections territoriales depuis une dizaine d’années conduisent régulièrement les observateurs à remonter jusqu’aux prémices du mouvement patriotique en Euskadi Nord pour décrypter l’évolution de la sociologie électorale basque.

Je constate que ces retours au passé s’arrêtent généralement aux années 1960, notamment à cet Aberri Eguna d’Itsasu de 1963 (où je me trouvais, tenant la main de mon père et dont je me souviens avec fierté), que l’on considère, à juste titre, comme l’instant fondateur de l’abertzalisme en Iparralde.

Puis-je simplement m’étonner, car cela ne retirerait rien à la valeur du phénomène ni à la rigueur des historiens, que l’on omette de rappeler que le premier acte politique officiel engagé en ce sens le fut par mon père, à l’occasion du vote de la Constitution de 1945, où Jean- Etcheverry-Aintchart, député des Basses-Pyrénées puis vice-président du Conseil général, et grand père de notre précieux Peio, déposa devant le bureau de l’Assemblée un projet de statut d’autonomie du Pays Basque dans la République Française, rédigé par Marc Légasse ?

Tu en sais autant que moi sur cet épisode et tu te souviens, le projet ayant été évidemment rejeté, qu’Aita appela à l’abstention : “Basques, par courtoisie, ne nous immisçons pas dans les affaires internes d’un peuple auquel nous n’appartenons pas et qui ne nous reconnaît pas”, concluant ses affiches par “Gora Euzkadi Askatuta! ”, épisode qui lui valut une incarcération de quelques semaines à la Villa Chagrin de Bayonne.

En septembre de la même année, il se présentait aux premières élections cantonales de la Libération, à Donibane Lohitzune, sous l’étiquette “nationaliste basque”, avec sa croix de guerre au plastron. Candidature qu’il répéta une dizaine de fois durant les trente années qui suivirent, la dernière étant lors des cantonales de 1976, à Hendaia, avec des résultats extrêmement modestes (hormis aux municipales de 1953 où il fut élu à Bassussary, avant de démissionner suite au refus de la municipalité de voter une motion pour l’euskara) jusqu’à ce que Enbata, dès 1967, puis d’autres, prennent le relai de façon plus institutionnelle.

Me réjouissant des avancées obtenues le 22 et le 29 mars dernier et me souvenant des scores d’à peine 2 à 3% de voix que mon père réunissait sur son nom, je ne réclame ni médaille ni hommage d’aucune sorte pour sa mémoire, qui reste vive pour ceux l’ayant approché, et publié, toi en premier, sachant surtout le personnage atypique qu’il était, mais pour ses électeurs d’alors, simples citoyens Basques de l’ombre, inconnus ou affranchis, qui, 70 ans avant les 25 000 suffrages et près de 17% de 2015, votaient déjà, de ce côté-ci de la Bidasoa, pour le droit inaliénable du peuple Basque à disposer de lui-même. Juste un coup de txapel à ces pionniers dont la “folie” a non seulement gagné les consciences mais confirme que, même en Euskal Herria continental, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.