La bataille du siècle

2025/04/15
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Avec le livre « La bataille du siècle », Jon Palais nous propose une feuille de route pour nous réarmer contre le changement climatique, le capitalisme vert, l’autoritarisme, l’extrême droite et le désespoir.

Unai Oñederra, fondation Manu Robles-Arangiz (cet article a été publié dans Landeia)

Aujourd'hui, lorsque nous lisons le titre du livre de Jon Palais, « La bataille du siècle », qu'est-ce qui nous vient à l'esprit ? Sûrement l’image d’une guerre. C'est normal, vu que tous les médias nous parlent du danger russe, de la nécessité de se réarmer, de la nécessité d'augmenter les dépenses militaires.... Vous vous souvenez quand on nous a dit qu’il était temps de faire une transition écologique ?

C’est exactement ce que fait Jon Palais dans le livre, et avec une logique complètement contraire à celle du réarmement. L’auteur est un activiste climat qui défend une stratégie non-violente, et dans son livre Borroka guztien ama, qu'il vient de publier en basque avec la Fondation Manu Robles-Arangiz, il propose une stratégie gagnante pour la prochaine décennie basée précisément sur la non-violence.

Les pouvoirs publics (qui appellent à la responsabilité) et les militants anti-establishment violents accuseront JonPalais d'être puéril, bienveillant, naïf, lâche et autres adjectifs. Mais le membre de Bizi ne se laisse pas intimider et, au lieu de faire appel à des idéaux théoriques, il justifie la stratégie radicalo-pragmatique qu’il propose par son efficacité. Stratégie radicale, car elle cherche à changer radicalement le système, et pragmatique, car elle propose des stratégies et des tactiques efficaces, basées sur la réalité, qui permettent d’obtenir des victoires concrètes.

L’auteur soutient dans son livre que la lutte non-violente n’est ni passive ni imprudente, mais un instrument stratégique puissant, courageux et efficace. Pour changer radicalement les rapports de force et contraindre les pouvoirs économiques et politiques à prendre des décisions à la hauteur de l’enjeu, il est essentiel d’activer un large mouvement social. Jon Palais affirme que cela ne peut être réalisé qu’avec une stratégie non-violente, car elle permet de convaincre une large catégorie de la population , comme le démontrent certaines des victoires historiques qu’il décrit dans le livre.

En effet, selon lui, la violence et les stratégies violentesb effraient les gens. Sur le terrain de la violence, le pouvoir économique et politique aura toujours une influence plus forte que la société civile. De plus, cela légitime le récit et la répression du pouvoir, affaiblissant le mouvement. L’auteur souligne également que les manières de combattre préfigurent l’avenir. En ce sens, l’imposition de la loi de la violence dans un mouvement a des effets pernicieux sur la culture et le fonctionnement du mouvement lui-même et s’inscrit dans la même logique d’autoritarisme et de capitalisme.

Stratégie gagnante pour la prochaine décennie

Le livre Borroka guztien ama est un outil très utile pour éviter de tomber dans le désespoir dans ces temps sombres que nous vivons. Jon Palais rappelle que le désespoir est un outil que le pouvoir utilise pour maintenir les citoyens passifs. Lutter contre le désespoir, c’est donc lutter contre la logique du pouvoir.

Face au désespoir, à la frustration ou au sentiment d’impuissance, il affirme que nous devons construire un espoir fondé sur l’action collective, et non pas seulement sur des expressions théoriques. Pour démontrer qu'il est possible d'agir efficacement et de changer les choses, il donne des exemples de victoires concrètes : les luttes qui ont réussi à stopper le TAV et l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, lorsque les « faucheurs de chaises » ont vaincu la multinationale géante BNP, l'eusko, devenu la principale monnaie locale d'Europe, l'expansion de l'agriculture paysanne, les villages Alternatiba créés pourpromouvoir la construction de véritables alternatives, leTour Alternatiba...

Conscient que sans combat, la défaite est assurée, il appelle à surmonter le désespoir par la lutte active : « C’est l’action elle-même qui génère l’espoir. » Faire partie d’un mouvement de masse, créer une influence collective et agir directement offre un outil psychologique et social puissant pour surmonter le désespoir, car cela construit une communauté et démontre que les gens, lorsqu’ils se rassemblent, peuvent avoir un impact significatif. Lorsque les gens sont seuls, le désespoir se propage plus facilement. Seuls, nous sommes faibles, mais ensemble, nous sommes une force immense.

Le désespoir est le plus grand ennemi de la lutte écologique et sociale. Cela conduit de nombreuses personnes à accepter de fausses alternatives telles que le capitalisme vert ou le réarmement. L’extrême droite en profite également en augmentant son pouvoir et en promouvant un capitalisme autoritaire.

Les gouvernements néolibéraux n’ont pas su répondre aux crises écologiques, économiques et sociales causées par l’échec du système, ce qui a poussé de nombreuses personnes vers l’extrême droite, croyant qu’il n’y avait pas d’alternative. Pour éviter cela, dit Jon Palais, nous devons construire une opposition solide, non pas à travers un discours moraliste, mais plutôt en activant les classes ouvrières et les luttes sociales : construire de véritables alternatives qui montrent le chemin vers une vie meilleure, unir la lutte climatique et la lutte sociale, mettre en œuvre des stratégies de mobilisation efficaces et renforcer le pouvoir des citoyens. Si cela n’est pas fait, l’extrême droite occupera cet espace et nous proposera ou nous imposera une solution autoritaire.

Alda, Bizi ! et ELA, nous sommes en route

Le 19 février, à l'occasion de la présentation du livre Borroka guztien ama, Bizi! et la Fondation ont organisé une conférence avec l'auteur et Aintzane Orbegozo, du syndicat ELA, à notre siège à Baiona. Tous deux ont discuté de stratégies non-violentes pour s’organiser collectivement et remporter des victoires. Jon Palais a résumé les thèmes abordés dans le livre et Orbegozo a relaté le travail d'organisation d'ELA dans les services d'aide à domicile de Gipuzkoa et les plus de vingt victoires qu'elle a remportées.

Ce n'est pas une coïncidence si Bizi! et ELA se sont retrouvés pour cette table-ronde à Baiona. Le mouvement pour le climat et la justice sociale et le syndicat fondent leur stratégie sur un pragmatisme radical non-violent, tout comme l’association Alda. Toutes trois, nous essayons d’organiser, d’une part, un mouvement de masse qui unit la classe ouvrière, la lutte sociale et la lutte pour le climat avec les besoins et les intérêts des classes populaires. D’autre part, nous travaillons à construire des alternatives concrètes qui résolvent les problèmes du quotidien, dans la lignée proposée par Jon Palais dans son livre. Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais nous progressons.

En Iparralde et Hegoalde, nous avons des forces et des faiblesses différentes. Nous sommes complémentaires. Nous avons une feuille de route à portée de main pour travailler ensemble. En ces temps sombres où nous sommes appelés à nous réarmer, utilisons l’arme de toutes les luttes que Jon Palais nous a donnée.